mardi 20 janvier 2009

Dossier de presse


Lost Vegas

C’est dès 1855 que la première colonie de Mormons s’installe dans le désert aride de Mojave, terre des indiens Paiutes, pour les convertir et ériger une ville.

Connue alors sous le nom de Big Spring et située sur “The Mormon Trail” reliant Salt Lake City à Los Angeles, Las Vegas (les prairies) est le point d’eau obligatoire pour les diligences et les hommes. Laissée à l’abandon après la découverte d’une ville minière plus prospère au nord de l’état du Nevada, l’arrivée du chemin de fer et de la ligne ferroviaire San Pedro - Los Angeles - Salt Lake City en 1905 redonnera vie à la ville.

Sous la pression des Mormons, l’état votera en 1910 une loi interdisant le jeu, florissant à cette époque. Las Vegas sera sauvée et ne deviendra pas une autre “ghost town” (ville fantôme) grâce à la décision du Congrès de construire en 1936 le “Hoover Dam”, barrage géant au nord de la ville, sur la rivière Colorado.

A cette période, le jeu est de nouveau autorisé en ville. Les mafias de New-York, Chicago, Cleveland, Miami envoient dès lors leurs hommes de main créer des casinos pour blanchir leur argent sale et s’enrichir. Bugsy Siegel, Meyer Lanski, Jimmy Hoffa, construiront la légende de “Sin City”, la ville du pêché.

A cette époque, toutes les stars afro-américaines se produisaient à Las Vegas sans avoir le droit de séjourner dans les hôtels de luxe où avaient lieux leur concert mais logeaient en face, dans des quartiers réservés aux gens de couleur.

Au début des années 60, le FBI, sous l’impulsion d’Edgar J. Hoover, lança une campagne anti-mafia à Las Vegas et força les caïds à vendre leurs casinos. Howard Hughes, magnat de l’industrie aéronautique et du cinéma fut un des plus prompts à vouloir acheter.

Exclusivement entouré de ses conseillers Mormons, il s’installa dans les suites luxueuses du 9ème étage du Desert Inn Hotel et vécut à Las Vegas les 8 dernières années de sa vie.

Avec les bénéfices acquis en sous-main de la vente de TWA, sa compagnie aérienne, Hughes voulait réinvestir à Las Vegas et acheter le « Desert Inn». Il lui fallait être discret afin d’éviter de voir son nom directement apparaître dans l’obtention d’une licence de jeu, obligatoire pour l’achat d’un casino à Las Vegas, lors d’une audience publique.

De son coté, Moe Dalitz, boss de la mafia et propriétaire des lieux, était pressé par le FBI de vendre le palace. Un banquier d’affaires de Las Vegas, E. Parry Thomas vint au secours d’Howard Hughes. Mormon lui aussi, Thomas était connu dans le monde des casinos, sa banque, la « Valley Bank of Nevada » ayant par le passé octroyé des prêts à taux élevés à d’autre patrons de casinos. Intéressé par le potentiel de son client, Thomas fit du lobbying auprès de son ami le gouverneur afin de changer les lois d’acquisition d’un casino.

En 1967, l’Etat promulgua « The Nevada Corporate Gaming Act » qui permettait désormais à des entreprises d’acquérir des licences en évitant la comparution publique et l’octroi de licence individuelle à chaque actionnaire. La porte était ouverte. Grâce à cette banque Mormone et à ses conseillers, Hughes racheta à la mafia le Desert Inn, le Sands et le Frontier.

Le climat moral imposé par les Mormons et les autres fondamentalistes chrétiens depuis leur arrivée dans ce désert aride en 1855 perdure. Aujourd’hui, les Mormons représentent 7% de la population et sont solidement ancrés dans la politique, la finance et l’immobilier dans la vallée.

Tous les groupes religieux fondamentalistes, nombreux à Las Vegas, interdisent évidemment le sexe hors mariage, le jeu, la boisson. Mais les Mormons ont spécialement autorisé ses membres à travailler dans l’administration des casinos, à l’exception des tables de jeux elles-mêmes.

Aujourd’hui, on dénombre à Las Vegas 2 millions d’habitants, une église pour 1700 habitants, 165 congrégations Mormones en ville, soit un tiers des églises.

Au-delà du strip-tease, des casinos, Las Vegas reste une ville prospère, conservatrice et religieuse du sud-ouest des Etats-Unis.


Laurent Monlaü